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funestes, puisque les effets en sont tels : car enfin, ce remède affreux était unique. Comment auraient-ils pu
retenir tant de millions d'hommes dans l'obéissance ? Comment soutenir une guerre civile de si loin ? Que
seraient-ils devenus, s'ils avaient donné le temps à ces peuples de revenir de l'admiration où ils étaient de
l'arrivée de ces nouveaux dieux, et de la crainte de leurs foudres ?
Quant aux Portugais, ils prirent une voie tout opposée : ils n'employèrent pas les cruautés. Aussi
furent-ils bientôt chassés de tous les pays qu'ils avaient découverts. Les Hollandais favorisèrent la rébellion
de ces peuples, et en profitèrent.
Quel prince envierait le sort de ces conquérants ? Qui voudrait de ces conquêtes à ces conditions ? Les
uns en furent aussitôt chassés ; les autres en firent des déserts, et rendirent leur propre pays un désert encore.
C'est le destin des héros de se ruiner à conquérir des pays qu'ils perdent soudain, ou à soumettre des
nations qu'ils sont obligés eux-mêmes de détruire ; comme cet insensé qui se consumait à acheter des statues
qu'il jetait dans la mer et des glaces qu'il brisait aussitôt.
De Paris, le 18 de la lune de Rhamazan 1718.
Lettre CXXI. Usbek au même 164
Lettres persanes
Lettre CXXII. Usbek au même
La douceur du gouvernement contribue merveilleusement à la propagation de l'espèce. Toutes les
républiques en sont une preuve constante, et, plus que toutes, la Suisse et la Hollande, qui sont les deux plus
mauvais pays de l'Europe, si l'on considère la nature du terrain, et qui cependant sont les plus peuplés.
Rien n'attire plus les étrangers que la liberté et l'opulence qui la suit toujours : l'une se fait rechercher
par elle-même, et nous sommes conduits par nos besoins dans les pays où l'on trouve l'autre.
L'espèce se multiplie dans un pays où l'abondance fournit aux enfants, sans rien diminuer de la
subsistance des pères.
L'égalité même des citoyens, qui produit ordinairement de l'égalité dans les fortunes, porte l'abondance
et la vie dans toutes les parties du corps politique, et la répand partout.
Il n'en est pas de même des pays soumis au pouvoir arbitraire : le prince, les courtisans et quelques
particuliers possèdent toutes les richesses, pendant que tous les autres gémissent dans une pauvreté extrême.
Si un homme est mal à son aise, et qu'il sente qu'il fera des enfants plus pauvres que lui, il ne se mariera
pas ; ou, s'il se marie, il craindra d'avoir un trop grand nombre d'enfants, qui pourraient achever de déranger
sa fortune, et qui descendraient de la condition de leur père.
J'avoue que le rustique ou paysan, étant une fois marié, peuplera indifféremment, soit qu'il soit riche,
soit qu'il soit pauvre ; cette considération ne le touche pas : il a toujours un héritage sûr à laisser à ses
enfants, qui est son hoyau, et rien ne l'empêche de suivre aveuglément l'instinct de la nature.
Mais à quoi sert dans un Etat ce nombre d'enfants qui languissent dans la misère ? Ils périssent presque
tous à mesure qu'ils naissent ; ils ne prospèrent jamais ; faibles et débiles, ils meurent en détail de mille
manières, tandis qu'ils sont emportés en gros par les fréquentes maladies populaires que la misère et la
mauvaise nourriture produisent toujours ; ceux qui en échappent atteignent l'âge viril sans en avoir la force,
et languissent tout le reste de leur vie.
Les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais heureusement si elles ne sont bien
cultivées : chez les peuples misérables, l'espèce perd, et même quelquefois dégénère.
La France peut fournir un grand exemple de tout ceci. Dans les guerres passées, la crainte où étaient tous
les enfants de famille d'être enrôlés dans la milice les obligeait de se marier, et cela dans un âge trop tendre et
dans le sein de la pauvreté. De tant de mariages, il naissait bien des enfants, que l'on cherche encore en
France, et que la misère, la famine et les maladies en ont fait disparaître.
Que si, dans un ciel aussi heureux, dans un royaume aussi policé que la France, on fait de pareilles
remarques, que sera-ce dans les autres Etats ?
De Paris, le 23 de la lune de Rhamazan 1718.
Lettre CXXII. Usbek au même 165
Lettres persanes
Lettre CXXIII. Usbek au Mollak Méhémet-Ali, gardien des trois tombeaux à
Com
Que nous servent les jeûnes des immaums et les cilices des mollaks ? La main de Dieu s'est deux fois
appesantie sur les enfants de la Loi : le soleil s'obscurcit et semble n'éclairer plus que leurs défaites ; leurs
armées s'assemblent, et elles sont dissipées comme la poussière.
L'empire des Osmanlins est ébranlé par les deux plus grands échecs qu'il ait jamais reçus : un moufti
chrétien ne le soutient qu'avec peine ; le grand vizir d'Allemagne est le fléau de Dieu, envoyé pour châtier
les sectateurs d'Omar ; il porte partout la colère du ciel irrité contre leur rébellion et leur perfidie.
Esprit sacré des immaums, tu pleures nuit et jour sur les enfants du Prophète, que le détestable Omar a
dévoyés ; tes entrailles s'émeuvent à la vue de leurs malheurs, tu désires leur conversion, et non pas leur
perte ; tu voudrais les voir réunis sous l'étendard d'Hali par les larmes des saints, et non pas dispersés dans
les montagnes et dans les déserts par la terreur des Infidèles.
De Paris, le premier de la lune de Chalval 1718.
Lettre CXXIII. Usbek au Mollak Méhémet-Ali, gardien des trois tombeaux à Com 166
Lettres persanes
Lettre CXXIV. Usbek à Rhédi, à Venise
Quel peut être le motif de ces libéralités immenses que les princes versent sur leurs courtisans ?
Veulent-ils se les attacher ? Ils leur sont déjà acquis autant qu'ils peuvent l'être ; et, d'ailleurs, s'ils
acquièrent quelques-uns de leurs sujets en les achetant, il faut bien, par la même raison, qu'ils en perdent une
infinité d'autres en les appauvrissant.
Quand je pense à la situation des princes, toujours entourés d'hommes avides et insatiables, je ne puis
que les plaindre, et je les plains encore davantage lorsqu'ils n'ont pas la force de résister à des demandes
toujours onéreuses à ceux qui ne demandent rien.
Je n'entends jamais parler de leurs libéralités, des grâces et des pensions qu'ils accordent, que je ne me
livre à mille réflexions : une foule d'idées se présente à mon esprit ; il me semble que j'entends publier cette
ordonnance :
"Le courage infatigable de quelques-uns de nos sujets à nous demander des pensions ayant exercé sans
relâche notre magnificence royale, nous avons enfin cédé à la multitude des requêtes qu'ils nous ont
présentées, lesquelles ont fait jusqu'ici la plus grande sollicitude du trône. Ils nous ont représenté qu'ils n'ont
point manqué, depuis notre avènement à la couronne, de se trouver à notre lever ; que nous les avons
toujours vus sur notre passage immobiles comme des bornes ; et qu'ils se sont extrêmement élevés pour
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